top of page
Photo du rédacteurlefebvre michel

LE 12 JUIN A MELLES : LE DEVOIR DE MÉMOIRE

Dernière mise à jour : 29 sept. 2022


Dimanche 12 juin après-midi, les descendants de Maurice Starkman, enfant juif sauvé de la barbarie nazie, sont venus des Etats-Unis rendre hommage à ceux qui ont permis le sauvetage de nombreux enfants juifs au risque de leur vie.

Une plaque rappelant le rôle héroïque de ces personnes a été inaugurée ce dimanche en présence de la famille Lewin (descendant de Maurice Starkman), des autorités communales et de nombreuses personnes. Cette plaque a été apposée sur le mur de la ferme de Mr Arthur Windels (voir article dans le Soleil Levant du mois de juin). Sous cette plaque ont été placées deux pierres de la façade de l’institut Saint Paul détruit en 1999. Une plaque semblable a été inaugurée le matin à Tournai, rue Saint Martin,sur la façade de la maison qu’habitait Léo Chevalier.

Voir aussi notre article précédent sur le sujet : Melles : Commémoration d’un épisode de son histoire

À lire : Ce document constitué de témoignages de deux enfants rescapés et que nous a procuré Mr Francis Vandeputte (écris en anglais et en français)

Il est important de souligner ici le rôle important dans l’organisation de cette cérémonie de Messieurs Arthur Windels et Jean-Pierre Grégoire de Melles et de Monsieur Francis Vandeputte (guide tournaisien) qui est un relai important entre la famille Lewin et la ville de Tournai.

Plusieurs personnes prirent la parole dont Arthur Windels dont voici le discours de bienvenue :
« Mesdames, Messieurs,
Monsieur le Bourgmestre,
à vous les membres de la famille Lewin, descendants de Robert Starkman,
Les habitants du village de Melles réunis à quelques-uns aujourd’hui vous souhaitent la bienvenue sur la grand-place de notre petit village rural de l’entité de Tournai.
Vous êtes ici dans la paisible campagne de ce petit pays qu’est la Belgique.
Au nom de ses habitants, de ses citoyens, nous pouvons dire que nous sommes très heureux et très honorés de vous accueillir et de vous recevoir chez nous en ce beau dimanche.
Vous venez de très loin, d’outre-Atlantique pour célébrer quelque chose qui vous tient profondément à cœur et que vous avez voulu commémorer avec nous.
Nous les citoyens de Melles, jeunes et moins jeunes avons bien compris ce devoir de mémoire et nous tous avons le plus haut respect pour celui-ci.
Votre père, grand-père et arrière-grand-père était ici il y a 80 ans dans ce village, apprenti jardinier, travaillant avec d’autres dans ce couvent des pères salésiens, aujourd’hui disparu.
Les anciens du village de Melles se souviennent de ce collège destiné au départ à des jeunes de santé fragile et qui a ensuite abrité durant ces années sombres ces enfants à l’étoile jaune fuyant la déportation et l’anéantissement. Ils y ont trouvé un peu de sérénité et de conditions propices à une évolution positive, le tout dans le plus grand secret.
80 d’entre eux ressemblaient à Maurice Starkman, ils furent donc recueillis, cachés pendant plusieurs années et finalement sauvés par des personnes très courageuses, Léo Chevalier, Anne Marie Rouneau, Pierre Darblay, Marie thérèse Dufonteny et quelques autres ici à Melles.
Vous avez souhaité rendre un hommage à ces personnes qui ont pris tous les risques, qui se sont engagés dans une forme de résistance hors du commun ; très certainement, quelques habitants de Melles à l’époque furent de bons complices sans le savoir.
Vous exprimez votre gratitude et nous partageons votre émotion.
Votre visite aujourd’hui à Melles at à Tournai et l’hommage que vous voulez rendre à ces personnages sont aussi selon nous, un véritable message de paix, de fraternité universelle et de reconnaissance face à ce que l’on peut faire et réaliser pour l’autre dans sa différence quelle que soit son origine et sa religion. Celui qui ne connait pas l’histoire est condamné à la revivre (K.Marx)
Nous les citoyens de Melles, veillerons à garder ce souvenir, à raconter à nos enfants , aux passants, aux visiteurs, aux nouveaux habitants de notre village ces moments de bravoure et de profonde humanité. »

Sébastien lewin, arrière-petit-fils de Maurice Starkman, prit ensuite la parole (Mr Francis Vandeputte nous traduisait le discours petit à petit ) :

Chers Amis, Bonjour,

Je m’appelle Sébastien Lewin et je suis l’arrière-petit-fils de Maurice Starkman, un jeune garçon qui fut accueilli dans votre cité, ici à l’Institut St-Paul de Melles durant la Deuxième Guerre mondiale.
--Avant la guerre, la famille de mon arrière-grand-père s’était établie à Charleroi, mais lorsque les Nazis poursuivirent leur invasion de l’Europe, ses parents se mirent en relation avec le Chanoine Pierre Harmignie, qui était alors le Doyen de Charleroi et qui collaborait secrètement avec de nombreuses personnalités de Tournai et de Melles.
--Le bâtiment, qui était un pensionnat scolaire avant la guerre, servit durant toute la guerre de foyer d’accueil pour quelque 200 garçons âgés entre 6 et 12 ans de la région, parfois décrits comme ‘débiles’ parce qu’ils étaient dans le besoin en conséquence de la guerre. Mademoiselle Marie-Thérèse Dufonteny sécurisa le transport par chemin de fer de mon arrière-grand-père et d’un autre garçon appelé Isaïë Rotblatt depuis Charleroi jusqu’à l’Institut St-Paul, en passant par la gare de Tournai.
--A leur arrivée ici à Melles, Marie-Thérèse demanda à son amie Anne-Marie Rouneau, qui était institutrice à l’Institut St-Paul, d’héberger ces garçons. Celle-ci consulta le Père Pierre Darblay, qui était alors le supérieur de l’institution.
De crainte de mettre en danger le sort des autres enfants confiés à l’Institut, le Père Darblay hésitait à accueillir mon arrière-grand-père. Il s’en référa dès lors à l’opinion de l’Evêque de Tournai, qui non content de lui accorder la permission, encouragea le Père Darblay à recueillir les garçons.
Maurice et Isaïe furent ainsi les premiers de quelque 80 jeunes enfants juifs à être envoyés à l’Institut St-Paul sous la garde et la protection du Père Pierre Darblay et les soins particuliers d’Anne-Marie Rouneau.
--A aucun moment, les membre du personnel de l’école n’utilisèrent leur position pour tenter de convertir ces enfants juifs à la religion catholique, et leurs parents ne furent jamais non plus sollicités pour subvenir à leurs besoins.
--Après la guerre, les enfants furent ramenés dans leurs familles, ou bien, au cas où aucun membre de leurs familles ne pouvait plus se manifester, ils furent confiés à la communauté juive.
Alors que de nombreuses personnalités qui avaient contribué à des sauvetages aussi merveilleux que celui de mon arrière-grand-père furent honorés plus tard de titres accordés par le Yad Vashem Belgique et Israël, le Père Harmignie, Doyen de Charleroi ne le fut jamais. Il avait été exécuté, le 18 avril 1944, par des sympathisants nazis, avec d’autres personnalités de Charleroi, au titre de Résistant à l’occupation allemande.
--Au cours de la préparation pour mon Bar Mitvash – une cérémonie d’initiation religieuse pour tout enfant juif qui atteint l’âge de 13 ans – j’ai passé plus d’un an à la lecture et l’étude d’un passage de l’Ancien Testament que j’ai tenu à mettre en relation avec un témoignage que je désirais partager avec toute notre communauté.
--Mon passage particulier se rapportait à l’épisode extraordinaire qui décrit Moïse recevant les Dix Commandements sur le Mont Sinaï. Je ne pouvais ne pas mettre ce miracle en relation avec les faits merveilleux qui se sont déroulés ici même, à Melles-Tournai, à l’Institut St-Paul, avec la personnalité du Père Harmignie qui n’a jamais été officiellement honoré pour le rôle qu’il a joué dans ce sauvetage, ainsi qu’avec tous les Tournaisiens qui, bien qu’au courant de l’hébergement secret de ces enfants, n’en ont jamais rien révélé.
J’ai ainsi décidé consacrer mon Bar Mitvash à trouver un moyen de perpétuer la mémoire de ce fait miraculeux et de faire connaître à ma communauté les événements merveilleux qui se sont déroulés à Melles-Tournai.
--C’est alors que j’ai pu obtenir la collaboration de la Ville de Tournai et des services de Monsieur le Bourgmestre, ainsi que de celle de quelques descendants et amis des personnes qui ont vécu ces merveilles. Mon but était de créer un souvenir durable de ces événements et de perpétuer la mémoire de ceux qui les ont rendus possibles.
--Grâce à l’aide de M. Francis Vande Putte, nous sommes très honorés de pouvoir passer ce weekend ici avec vous tous et d’inaugurer deux plaques commémoratives, l’une sur le site de l’ancienne résidence de Maître Léo Chevalier, à quelques maisons à peine de l’Hôtel de Ville de Tournai, l’autre ici même, à Melles.
Merci du fond du cœur d’avoir sauvé mon arrière-grand-père et de m'avoir permis de faire partie de l'histoire de votre ville.

Quelques mots de Mr le Bourgmestre cloturèrent les allocutions.

"Maître Léo Chevalier et Anne-Marie Rouneau ont été reconnus "Justes parmi les Nations" par Israël , a précisé Paul-Olivier Delannois. Ils figurent parmi les 1.751 personnes de nationalité belge à avoir leurs noms gravés au monument Yad Vashem. Tournai est une ville qui veut sensibiliser à la paix et à la concorde. Nous sommes sensibles à la mémoire. Le collège communal a donc décidé récemment qu’un espace dédié aux Justes parmi les Nations de Tournai et de ses villages sera créé en 2023 dans le parc situé à proximité de l’école du Château et de l’Athénée Campin. Il s’agira d’un espace de souvenir et de réflexion."

La plaque fut ensuite inaugurée et les hymnes nationaux des Etats-Unis et de Belgique retentirent.


La famille Lewin se rendit à la grotte de Notre-Dame de Lourdes (dernier témoignage du couvent)

Tous les participants purent se réunir autour du verre de l’amitié dans la cour de la ferme d’Arthur Windels.


Un grand merci à Messieurs Arthur Windels et Francis Vandeputte pour leur aide à la réalisation de cet article.





 

69 vues0 commentaire

Comentarios


bottom of page