Fleurs de funérailles
La crise actuelle que nous vivons, dans le monde entier, soumis aux assauts du Covid-19 et touchés durement par le décès de nos concitoyens, a ému Carl Norac, le Poète National de Belgique en fonction.
Alors que le personnel soignant agit jusqu’à l’épuisement pour le bien des malades, que de nombreuses personnes travaillent encore au quotidien pour assurer le fonctionnement de notre société, Carl Norac s’est interrogé pour savoir comment les poètes pouvaient adoucir ces instants difficiles.
Les médias relayant des images de convois funéraires et d’enterrements sans cortèges, en Italie notamment, Carl Norac a pensé qu’il était déchirant que ces êtres humains dussent être inhumés ainsi. Il a alors découvert De eenzame uitvaart, une initiative du poète hollandais Bart F.M. Droog, alors élu Poète de la Ville de Groningen, en 2001 ; l’idée étant que des poètes adressent aux défunts sans famille, ni amis, quelques mots pour les accompagner lors de leur enterrement. Le poète F. Starik, à Amsterdam, et le poète anversois Maarten Inghels, à Anvers, ont ensuite adopté cette action, avec la permission de Bart F. M. Droog.
Le projet, actuellement coordonné en Flandre par VONK & Zonen, va être élargi en Wallonie, soutenu par la Maison de la Poésie de Namur, et à Bruxelles, par les Midis de la Poésie, sous le nom de « Fleurs de funérailles/Gedichtenkrans ».
Le lien vers le site Poète national.
Parmi les nombreux poèmes déjà présents voici celui de Caroline Lamarche : « Poème pour ne pas partir seul »
On naît entouré, mais peu,
deux ou trois personnes suffisent
pour vous aider à faire le chemin
vers la lumière, le cri.
On meurt entouré, mais peu,
deux ou trois proches suffisent
pour vous aider à faire le chemin
vers le silence, l’ombre.
C’est un temps d’exception
celui où l’adieu ressemble à l’arrivée
sans que l’on puisse s’étreindre.
C’est une saison d’exception
celle où le printemps ressemble au printemps
sans garnir de fleurs le lit, la chambre, la tombe.
Sans fleurs, sans gestes, tu pars
dans un linceul d’air et de vide.
Seuls les bourgeons tendrement dépliés
te célèbrent, têtus et pleins d’espoir.
Le jour viendra où, grandis, sauvés
de la menace du froid
ils mêleront leurs gestes fleuris
leurs caresses de vent
leurs semences pour demain.
Le jour viendra où ils échangeront
leurs souvenirs du temps où il fallait
s’aimer sans mains
se toucher avec les yeux.
Le jour viendra où nous aussi
avec nos bras comme des branches
nos cœurs comme de l’aubier tendre
nos mains comme des feuilles palpitantes
nous nous toucherons,
nous nous embrasserons
nombreux
frémissants
enfin serrés autour de toi.
Caroline Lamarche, printemps 2020
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